Blue’s Cat

On est seuls. Oui mais on voudrait ne pas l’être. On voudrait être entouré, choyé, regardé. On voudrait être regardé, remarqué. On voudrait donner du sens à ce que l’on est, vit, fait. Notre image, notre apparence, notre estime. Les autres nous voient-ils ? Que pensent-ils de nous ? Vont-ils « liker » ? Nous aimer ? Et si ils s’en foutaient ? Et si les autres ne nous voyaient plus ? Et si les autres étaient comme nous ? Serions-nous prêts alors à… aller vers eux ?

En quoi la sur-médiatisation et la spectacularisation de la vie privée, par les jeux télévisés, les télé-réalités ou reality-show, les réseaux sociaux et la suprématie de l’image, empêche t-elle ou floute -t-elle la rencontre avec l’autre, pour ne rester qu’un jeu d’apparences et de conventions ? Et cette difficulté, voir cette impossibilité à rencontrer l’autre dans son altérité et sa réalité, est-elle détentrice d’une violence future ? Peut-elle ouvrir à une pensée renouvelée des concepts de réalité et d’illusion dans un monde de plus en plus virtualisé?

Ces questionnements sont, selon nous, un des nombreux enjeux de la modernité et un principe essentiel dans les modalités de rencontre avec autrui. Ces modalités, notamment dans les représentations que l’on se fait de soi et des autres seront explorées dans le contexte spécifique d’un lieu cloisonné où évolueront deux personnages sous le regard du public, d’une présentatrice de reality-show et d’une chanteuse.

C‘est un jeu. En tout cas, c’est annoncé comme tel. Après on ne sait plus bien. A la fois jeu télévisé, jeu théâtral, jeu mêlant illusions et réalité. Dans ce jeu, qautre protagonistes : la talk-show girl (Sophie D’Orgeval), les participants (Céline Le Jéloux et Frédéric Rebière), et une quatrième protagoniste (Viviane Marc), la chanteuse, modulant des variations de What a wonderful world de Louis Amstrong et de Unforgettable de Nat King Cole.

Le public fait partie intégrante du dispositif puisque celui-ci s’inscrit comme public du reality-show et que c’est de lui que sortiront les deux participants. Le public est donc à la fois spectateur du spectacle présenté dans le lieu, public du reality-show et ainsi « voyeur » de ce qui va se dérouler sous ses yeux. C’est lui qui assiste à ce jeu mêlant illusions et réalité, sorte de méta-théâtre médiatisé sous fond de comédie musicale ou de film ou de pièce de théâtre.

La talk-show girl en est, dans son rôle de présentatrice, la metteuse en « forme », assistante de la figure de la chanteuse qui, de son côté, en impose le rythme. Une femme et un homme participent à ce jeu ritualisé où ils devront jouer un autre rôle que le leur : peut-être le rôle de leur vie pour une reconnaissance, tant convoitée. Ils réécriront ainsi le scénario de leur existence. On les verra tour à tour dans « leur réalité », et tour à tour dans leurs fantasmes et l’illusion de leur jeu. Le simulacre peut commencer. Mais où cela va t-il mener les participants ?